dimanche 1 décembre 2013

Marc Rolland, Le Roi Arthur

Publié au sein de la collection "Histoire" des éditions Gisserot, Le Roi Arthur de Marc Rolland répond pleinement au cahier des charges de ladite collection : procurer sous forme synthétique un maximum d'informations factuelles sur un sujet donné.

A l'inverse d'autres collections encyclopédiques, celle-ci ne fait pas l'économie de la forme. On peut ne pas apprécier le "jaune Gisserot" de la couverture mais la prise en main de l'ouvrage est agréable.

La littérature consacrée à Arthur et à son univers est pléthorique. Romans, essais, adaptations sous diverses formes ont donné à ce mythe une épaisseur telle qu'il est parfois difficile de retrouver l'Arthur "originel". Marc Rolland entreprend ici un défrichage rapide mais salutaire pour celui qu'impressionnerait le corpus arthurien et qui ne saurait par où entamer la lecture de cette masse de textes.

La première partie de l'ouvrage entreprend de replacer Arthur dans un contexte historique crédible, celui de la fin du Vème siècle. De fait, si l'historicité du personnage est toujours sujette à caution, la vigueur et la renommée du thème arthurien depuis le Haut Moyen-Age ont fini par convaincre historiens et spécialistes de littérature que, même s'il n'y eut aucun "roi Arthur" au sens strict, il est plus que probable que les différents récits le mettant en scène ont trouvé leurs sources dans des événements et des personnages tout à fait réels.
Historiquement, Arthur aurait donc été un chef de guerre breton menant une lutte de résistance face aux envahisseurs saxons qui, à partir du IVème siècle, prenaient pied dans l'île de Bretagne. Dignitaire romain menant des armées régulières, roi auto-proclamé recueillant son autorité sur les ruines de Rome ou simple chef militaire menant une armée de mercenaires, il ne nous est pas possible de savoir précisément ce qu'aurait été Arthur. Face à l'indigence des sources de ces "Dark Ages", il est difficile d'en dire beaucoup plus.

Si l'Histoire peine à brosser un tableau complet d'Arthur, la littérature en a vite pris le relais. Et c'est là que le livre de Marc Rolland nous est d'une aide précieuse.
Faisant montre d'une connaissance érudite du corpus, il replace dans leurs époques les divers textes qui ont brodé sur le mythe :  les Mabinogion gallois, les oeuvres de Geoffroi de Monmouth, Wace ou Chretien de Troyes pour ne citer que les plus connues. Ce faisant, il montre comment chacun donne à ces personnages un éclairage différent et comment, au fil de ces réécritures, le mythe s'en trouve transformé.
C'est avec érudition mais sans pédanterie qu'il nous présente, pour chacun de ces textes, le contexte de sa création et les éléments marquants et novateurs qu'il apporte. En conclusion, il s'ouvre aux créations du XXème siècle qui attestent de la constante vitalité du mythe.

Pour aller plus loin sur le même sujet :

Alban Gautier, Arthur, Ellipses. Un essai récent et très stimulant sur Arthur en tant que personnage historique sui vi d'une étude sur son existence ittéraire.

T. H. White, La Quête du Roi Arthur. Parmi les nombreuses variations arthuriennes du XXème siècle, celle-ci est certainement l'une des plus connues.

Lereculey, Chauvel, Arthur, Delcourt. Superbe et très originale adaptation en bande dessinée des textes gallois.

jeudi 31 octobre 2013

Steven Pressfield, Les Murailles de Feu

Tout comme le western, le peplum est un genre quelque peu négligé. Tout le monde ou presque connaît ces classiques que sont Quo vadis ?, Ben-Hur ou Les Derniers Jours de Pompéi. Quelques-uns se souviennent peut-être d'avoir étudié L'Affaire Caïus ou Fabiola mais force est de reconnaître que, mises à part les sagas historiques de Christian Jacq ou Max Gallo, rares sont les textes contemporains à mettre en scène l'Antiquité.
Paradoxalement, ce sont des auteurs américains qui relèvent le défi de situer leurs récits dans ces contextes.

Steven Pressfield choisit de relater les hauts faits des Spartiates aux Thermopyles en 480 avant Jésus-Christ.
Comme dans tout roman historique, l'originalité vient de l'angle d'approche choisi. L'action démarre ici alors que Xerxès est devant Athènes que ses troupes s'apprêtent à incendier. La bataille des Thermopyles est derrière nous, les 300 Spartiates et leurs alliés ont été défaits et rien ne semble devoir arrêter la conquête perse.
Cependant, Xerxès ne laisse pas d'être intrigué par ces hommes qui ont préféré une mort certaine à une soumission toute politique à sa personne. Et c'est en interrogeant l'unique survivant de la bataille, un des servants grecs, qu'il entend trouver des réponses.
C'est donc à travers le récit que fait ce rescapé, Xéon, que nous revivons les Thermopyles et ce qui a précédé.

Pressfield ne résume en effet pas son texte à un récit circonstancié des affrontements. Xéon nous parle autant de sa vie avant son arrivée à Sparte lorsque, chassé de sa cité détruite, il errait et vivait de larcins que des rudes premières années qu'il connut dans la cité lacédémonienne au service des jeunes hoplites. La montée du péril perse, la nécessité pour les Grecs d'envoyer une expédition vouée au suicide retarder l'avancée de l'ennemi ainsi que le ballet diplomatique entre les deux parties antagonistes nous sont relatées au travers de l'expérience du seul Xéon. Ce qui donne à ces événements une épaisseur dont un simple récit factuel serait dépourvu.

Quelques lectures pour approfondir le sujet :

- Hérodote, Histoires, Livre VII : une des sources essentielle de l'histoire grecque antique.

- Frank Miller, Lynn Varley, 300 : un récit en BD de la bataille des Thermopyles. Si l'on peut critiquer le manichéisme du récit, on se doit de noter le travail remarquable de mise en scène qui fait de cet album l'un des chefs d'oeuvre de Miller.

- Victor Davis Hanson, Le Modèle occidental de la Guerre. La Grèce nous a tout appris, même comment nous battre. Telle est du moins la thèse de cet historien américain. Dans cet ouvrage à l'écriture stimulante, il nous raconte entre autres comment il faisait s'affronter ses étudiants à la manière des phalanges grecques.

dimanche 20 octobre 2013

J.M. Erre, Le Mystère Sherlock

Tout commence dans un hôtel des Alpes suisses où sont réunis quelques-uns des plus éminents spécialistes de Sherlock Holmes. Erudits, passionnés mais surtout rivaux, ils convoitent tous la chaire d'holmésologie nouvellement créée à la Sorbonne. Une tempête de neige plus tard, les voici bloqués dans l'hôtel et l'histoire bascule du côté des Dix petits nègres.
Mené sur un rythme soutenu, Le Mystère Sherlock a en premier lieu tout pour ravir le fan de l'illustre détective britannique. J.M. Erre s'est manifestement plongé dans l'intégrale des romans et nouvelles (ce qu'il appelle le Canon) et émaille son texte de nombreuses citations holmesques. Au Canon, il ajoute de nombreux apocryphes, romans mettant en scène Sherlock Homes ou études érudites. Sur ces bases, il bâtit une solide intrigue policière à base de huis-clos et de disparitions inexpliquées.
L'originalité tient ensuite à la narration. Si le cœur du texte est constitué par le journal qu'a tenu l'une des protagonistes, nombre des événements nous sont rapportés par les autres acteurs du drame. En effet, l'auteur se plaît à entremêler les voix narratives de son texte. Il fait ainsi se juxtaposer, entre autres, l'autobiographie que rédige le professeur Durieux (Ma vie, la volonté au service de la raison (et vice-versa)), les lettres que Dolorès Manolete écrit à son confesseur et les notes incisives d'Eva von Gruber. Par ce biais, J.M. Erre ajoute une touche de loufoquerie à ce rassemblement d'universitaires tous plus obnubilés les uns que les autres par ce Saint-Graal d'une chaire en Sorbonne. Un panier de crabes qui n'est pas sans nous faire souvenir du Tout petit Monde mis en scène par David Lodge.
Au total, un très bon roman sans temps mort et dont le dénouement donne une raison supplémentaire au lecteur de tirer son chapeau à l'auteur.

J.M. Erre, Le Mystère Sherlock, Buchet-Chastel, 2012