jeudi 31 octobre 2013

Steven Pressfield, Les Murailles de Feu

Tout comme le western, le peplum est un genre quelque peu négligé. Tout le monde ou presque connaît ces classiques que sont Quo vadis ?, Ben-Hur ou Les Derniers Jours de Pompéi. Quelques-uns se souviennent peut-être d'avoir étudié L'Affaire Caïus ou Fabiola mais force est de reconnaître que, mises à part les sagas historiques de Christian Jacq ou Max Gallo, rares sont les textes contemporains à mettre en scène l'Antiquité.
Paradoxalement, ce sont des auteurs américains qui relèvent le défi de situer leurs récits dans ces contextes.

Steven Pressfield choisit de relater les hauts faits des Spartiates aux Thermopyles en 480 avant Jésus-Christ.
Comme dans tout roman historique, l'originalité vient de l'angle d'approche choisi. L'action démarre ici alors que Xerxès est devant Athènes que ses troupes s'apprêtent à incendier. La bataille des Thermopyles est derrière nous, les 300 Spartiates et leurs alliés ont été défaits et rien ne semble devoir arrêter la conquête perse.
Cependant, Xerxès ne laisse pas d'être intrigué par ces hommes qui ont préféré une mort certaine à une soumission toute politique à sa personne. Et c'est en interrogeant l'unique survivant de la bataille, un des servants grecs, qu'il entend trouver des réponses.
C'est donc à travers le récit que fait ce rescapé, Xéon, que nous revivons les Thermopyles et ce qui a précédé.

Pressfield ne résume en effet pas son texte à un récit circonstancié des affrontements. Xéon nous parle autant de sa vie avant son arrivée à Sparte lorsque, chassé de sa cité détruite, il errait et vivait de larcins que des rudes premières années qu'il connut dans la cité lacédémonienne au service des jeunes hoplites. La montée du péril perse, la nécessité pour les Grecs d'envoyer une expédition vouée au suicide retarder l'avancée de l'ennemi ainsi que le ballet diplomatique entre les deux parties antagonistes nous sont relatées au travers de l'expérience du seul Xéon. Ce qui donne à ces événements une épaisseur dont un simple récit factuel serait dépourvu.

Quelques lectures pour approfondir le sujet :

- Hérodote, Histoires, Livre VII : une des sources essentielle de l'histoire grecque antique.

- Frank Miller, Lynn Varley, 300 : un récit en BD de la bataille des Thermopyles. Si l'on peut critiquer le manichéisme du récit, on se doit de noter le travail remarquable de mise en scène qui fait de cet album l'un des chefs d'oeuvre de Miller.

- Victor Davis Hanson, Le Modèle occidental de la Guerre. La Grèce nous a tout appris, même comment nous battre. Telle est du moins la thèse de cet historien américain. Dans cet ouvrage à l'écriture stimulante, il nous raconte entre autres comment il faisait s'affronter ses étudiants à la manière des phalanges grecques.

dimanche 20 octobre 2013

J.M. Erre, Le Mystère Sherlock

Tout commence dans un hôtel des Alpes suisses où sont réunis quelques-uns des plus éminents spécialistes de Sherlock Holmes. Erudits, passionnés mais surtout rivaux, ils convoitent tous la chaire d'holmésologie nouvellement créée à la Sorbonne. Une tempête de neige plus tard, les voici bloqués dans l'hôtel et l'histoire bascule du côté des Dix petits nègres.
Mené sur un rythme soutenu, Le Mystère Sherlock a en premier lieu tout pour ravir le fan de l'illustre détective britannique. J.M. Erre s'est manifestement plongé dans l'intégrale des romans et nouvelles (ce qu'il appelle le Canon) et émaille son texte de nombreuses citations holmesques. Au Canon, il ajoute de nombreux apocryphes, romans mettant en scène Sherlock Homes ou études érudites. Sur ces bases, il bâtit une solide intrigue policière à base de huis-clos et de disparitions inexpliquées.
L'originalité tient ensuite à la narration. Si le cœur du texte est constitué par le journal qu'a tenu l'une des protagonistes, nombre des événements nous sont rapportés par les autres acteurs du drame. En effet, l'auteur se plaît à entremêler les voix narratives de son texte. Il fait ainsi se juxtaposer, entre autres, l'autobiographie que rédige le professeur Durieux (Ma vie, la volonté au service de la raison (et vice-versa)), les lettres que Dolorès Manolete écrit à son confesseur et les notes incisives d'Eva von Gruber. Par ce biais, J.M. Erre ajoute une touche de loufoquerie à ce rassemblement d'universitaires tous plus obnubilés les uns que les autres par ce Saint-Graal d'une chaire en Sorbonne. Un panier de crabes qui n'est pas sans nous faire souvenir du Tout petit Monde mis en scène par David Lodge.
Au total, un très bon roman sans temps mort et dont le dénouement donne une raison supplémentaire au lecteur de tirer son chapeau à l'auteur.

J.M. Erre, Le Mystère Sherlock, Buchet-Chastel, 2012