samedi 5 septembre 2015

Stephen Greenblatt, Will le Magnifique

Bien que n'étant particulièrement versé ni en littérature anglaise, ni en théâtre au sens large, Shakespeare et son oeuvre n'ont jamais été très éloignés de mes centres d'intérêts. Sans remonter jusqu'aux adaptations de la BBC que FR3 diffusait voici quelques décennies et dont j'ai de vagues souvenirs, ma première approche du texte s'est faite par le biais des longs-métrages de Kenneth Brannagh : Henry V et Beaucoup de bruit pour rien. Et c'est Looking for Richard, le réjouissant documentaire réalisé par Al Pacino qui m'a poussé à enfin lire les pièces.
Depuis lors, c'est périodiquement que je me plonge dans l'une ou l'autre des oeuvres de Shakespeare.

Rien d'étonnant donc à ce que j'en vienne à lire une biographie du natif de Stratford. L'actualité aidant, ce fut sur celle de Stephen Greenblatt, Will le Magnifique, que je jetai mon dévolu. L'ouvrage est au premier abord très séduisant : couverture crème illustrée d'un portrait de Shakespeare, un titre à l'outrance tempérée par le curriculum vitae de l'auteur : professeur à Harvard et spécialiste de Shakespeare. L'ouvrage étant publié chez Flammarion, on se dit qu'au total, tout cela doit être un bon compromis permettant d'éviter autant l'écueil d' l'aride travail universitaire que celui de la biographie romancée qui finit par en oublier ses sources (Shakespeare in Love...).

Au final, le sentiment du lecteur est mitigé. La lecture est des plus plaisantes et l'on sort de ce volume plus riche de connaissances qu'en y entrant. A la réserve qu'on a un peu l'impression de s'être fait encameloter par un Oliveira da Figueira des plus émérites et que la marchandise, pour n'être pas frelatée, n'en est pas moins exotique.

De fait, venu pour lire une vie de Shakespeare dans le détail et avec toutes les hypothèses et suppositions que l'on se fait sur la vie et l'oeuvre du dramaturge, j'ai surtout appris beaucoup de choses sur l'Angleterre de la fin XVIème début XVII ème siècle : la ville de Londres, la politique anglaise, la société élisabéthaine, la vie artistique de l'époque. Toutes choses fort bien documentées mais éloignées de ce que je pensais être le projet premier du livre. Stephen Greenblatt entreprend de brosser une vie de Shakespeare en mettant en parallèle tel moment (avéré ou non) de sa biographie avec tel passage d'une pièce.

Et ce sont bien là les deux pierres d'achoppement de son travail.

Modestie feinte ou réelle, il commence dès l'introduction par reconnaître le peu de faits avérés de la vie de Shakespeare et annonce d'emblée son choix de faire appel à l'imagination, procédé dont il fera abondamment usage au fil de son travail. Voici donc notre auteur mis en scène de manière hypothétique dans sa famille, dans son théâtre, face à ses choix religieux sans qu'aucun document ne vienne confirmer la véracité de l'hypothèse. Vérisme, oui ; vérité, non. Paradoxalement, Greenblatt ne se fait à aucun moment l'écho des hypothèses selon lesquelles Shakespeare ne serait pas l'auteur des pièces qui portent son nom et n'aurait été que l'homme de paille d'un autre à qui on prête divers visages.

Ma deuxième critique porte sur ces parallèles que Stephen Greenblatt tire entre la vie et l'oeuvre. Force est de reconnaître qu'il maîtrise son Shakespeare sur le bout des doigts et qu'on ne sort pas indemne devant une telle facilité à jongler avec les références. Mais, pour élégant qu'il soit, le procédé donne parfois le sentiment de tourner à vide et de ne se justifier que par cette élégance.

Au total, c'est une biographie bien lisse qui est ici donnée à lire et qui vaut surtout par le portrait plus général qu'elle dresse de l'Angleterre élisabéthaine.

Stephen Greenblatt, Will le Magnifique, Flammarion, 2014.

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