Bien
que n'étant particulièrement versé ni en littérature anglaise, ni
en théâtre au sens large, Shakespeare et son oeuvre n'ont jamais
été très éloignés de mes centres d'intérêts. Sans remonter
jusqu'aux adaptations de la BBC que FR3 diffusait voici quelques
décennies et dont j'ai de vagues souvenirs, ma première approche du
texte s'est faite par le biais des longs-métrages de Kenneth
Brannagh : Henry V et
Beaucoup de bruit pour rien.
Et c'est Looking for Richard,
le réjouissant documentaire réalisé par Al Pacino qui m'a poussé
à enfin lire les pièces.
Depuis lors, c'est
périodiquement que je me plonge dans l'une ou l'autre des oeuvres de
Shakespeare.
Rien
d'étonnant donc à ce que j'en vienne à lire une biographie du
natif de Stratford. L'actualité aidant, ce fut sur celle de Stephen
Greenblatt, Will le Magnifique,
que je jetai mon dévolu. L'ouvrage est au premier abord très
séduisant : couverture crème illustrée d'un portrait de
Shakespeare, un titre à l'outrance tempérée par le curriculum
vitae de l'auteur : professeur à Harvard et spécialiste de
Shakespeare. L'ouvrage étant publié chez Flammarion, on se dit
qu'au total, tout cela doit être un bon compromis permettant
d'éviter autant l'écueil d' l'aride travail universitaire que celui
de la biographie romancée qui finit par en oublier ses sources
(Shakespeare in Love...).
Au final, le sentiment du
lecteur est mitigé. La lecture est des plus plaisantes et l'on sort
de ce volume plus riche de connaissances qu'en y entrant. A la
réserve qu'on a un peu l'impression de s'être fait encameloter par
un Oliveira da Figueira des plus émérites et que la marchandise,
pour n'être pas frelatée, n'en est pas moins exotique.
De fait, venu pour lire
une vie de Shakespeare dans le détail et avec toutes les hypothèses
et suppositions que l'on se fait sur la vie et l'oeuvre du
dramaturge, j'ai surtout appris beaucoup de choses sur l'Angleterre
de la fin XVIème début XVII ème siècle : la ville de Londres, la
politique anglaise, la société élisabéthaine, la vie artistique
de l'époque. Toutes choses fort bien documentées mais éloignées
de ce que je pensais être le projet premier du livre. Stephen
Greenblatt entreprend de brosser une vie de Shakespeare en mettant en
parallèle tel moment (avéré ou non) de sa biographie avec tel
passage d'une pièce.
Et ce sont bien là les
deux pierres d'achoppement de son travail.
Modestie feinte ou réelle,
il commence dès l'introduction par reconnaître le peu de faits
avérés de la vie de Shakespeare et annonce d'emblée son choix de
faire appel à l'imagination, procédé dont il fera abondamment
usage au fil de son travail. Voici donc notre auteur mis en scène de
manière hypothétique dans sa famille, dans son théâtre, face à
ses choix religieux sans qu'aucun document ne vienne confirmer la
véracité de l'hypothèse. Vérisme, oui ; vérité, non.
Paradoxalement, Greenblatt ne se fait à aucun moment l'écho des
hypothèses selon lesquelles Shakespeare ne serait pas l'auteur des
pièces qui portent son nom et n'aurait été que l'homme de paille
d'un autre à qui on prête divers visages.
Ma deuxième critique
porte sur ces parallèles que Stephen Greenblatt tire entre la vie et
l'oeuvre. Force est de reconnaître qu'il maîtrise son Shakespeare
sur le bout des doigts et qu'on ne sort pas indemne devant une telle
facilité à jongler avec les références. Mais, pour élégant
qu'il soit, le procédé donne parfois le sentiment de tourner à
vide et de ne se justifier que par cette élégance.
Au total, c'est une
biographie bien lisse qui est ici donnée à lire et qui vaut surtout
par le portrait plus général qu'elle dresse de l'Angleterre
élisabéthaine.
Stephen Greenblatt, Will le Magnifique, Flammarion, 2014.
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